COVID-19/2 : CE COUVRE-FEU QUI NOUS APPORTE LA CONTAMINATION VESPERALE

Décrété d’autorité par le chef de l’Etat dans le but de contribuer à freiner la propagation du covid-19 dans sa seconde phase, le couvre-feu en vigueur depuis le vendredi dernier est en passe de produire l’effet contraire en devenant l’un des plus dangereux facteurs de propagation de cette pandémie. En effet, sans mesure d’encadrement autre que la contrainte policière, la population s’organise pour échapper aux rafles des patrouilles en faisant tout pour arriver à domicile avant 21 heures.

Depuis vendredi dernier, cette précipitation à gagner le domicile dans le délai entraine l’agglutination des masses aux mêmes endroits et pendant plusieurs heures. La promiscuité qui se crée ainsi décuple les possibilités de contacts interpersonnels peuvent occasionner des contaminations. Ceci d’autant plus qu’après toute une journée de mouvement et d’activité, malgré le respect éventuel des mesures barrières et autres, personne n’a la garantie formelle d’avoir été en contact avec le virus.

Aux heures de 15 heures déjà, les Kinois se retrouvent massivement aux arrêts de bus où ils doivent attendre un hypothétique moyen de transport. Le temps qu’ils y passent provoque des comportements en tous genres, dictés notamment par la fatigue ou la chaleur. Il y en a alors qui ôtent le cache-nez, tandis que d’autre, coincés côte à côte, se parlent à tue-tête dans la cohue ambiante. Les autres, fatigués, s’appuient sur autrui. Bref la proximité et la promiscuité de ces lieux disposent tout le monde à être en contact avec le virus.

Lorsqu’un bus se pointe, le risque de multiplie quand tout le monde se précipite pour prendre place à bord. Tout le monde se frotte à tout le monde avec le même objectif : trouver un moyen de quitter cet endroit pour gagner au plus tôt son logis. On s’invective nez contre nez, on se barre le passage par la main, on se mélange la sueur, etc. devant une seule entrée que tout le monde se dispute, parfois même avec des passagers qui doivent descendre.

Et quand on a réussi de prendre place à bord, on ne se met pas à l’abri, car, ici aussi, le danger de contamination se présente à nouveau après l’environnement à l’arrêt et la bataille à la portière du bus. A bord, en effet, les passagers en sueur ont déjà ôté le cache-nez. A bord de ce bus bondé jusque dans son allée centrale, la circulation de l’air est réduite et rien n’exclut que le virus se transporte en aérobie. Les conversations et les disputes vont bon train à bord, sans compter que nombre des passagers ont déjà tombé le cache-nez à cause de la chaleur ou l’ont carrément perdu dans la bousculade à la montée.

Plus encore, ces passagers devraient demeurer dans ces conditions le temps qu’il faudra s’il faut compter avec les bouchons. Malgré les assurances données par le Général Sylvano Kasongo, nombre de carrefours – comme à Kintambo Magasin – et d’artères, comme sur l’avenue Nguma, demeurent dépourvus de policiers de roulage au-delà de 18 heures. En sorte qu’un bus qui quitte Kintambo Magasin à 18 heures peut facilement arriver à Binza Ozone deux heures plus tard pour un trajet de pas plus de 4 Km.

Ce n’est pas tout. Même ceux qui sont contraints à la marche à pied ne sont pas à l’abri. Contrairement à la mesure interdisant la marche sportive en groupe, cette marche-ci est une contrainte où les gens se déplacent en groupes. Pendant le trajet, ils se frottent les uns aux autres. Leurs conversations leur permettent de ne pas se rendre compte de la distance, mais les exposent également à la contamination. Et lorsqu’on voit ces colonnes humaines qui arpentent les trottoirs, l’on peut bien imaginer le degré d’exposition de ces populations.

Autant de prouesses donc qu’occasionne le couvre-feu imposé aux Congolais sans aucune démonstration de son efficacité. Eteni Longondo, Ministre de la santé, avait allégué que cette mesure contribue pour 32% à la mitigation de la propagation. Mais il n’a pas dit aux Congolais sur quelle société a été établie cette statistique.

Le Dr Muyembe, patron de la riposte, avait avancé, pour sa part, que c’est autour de 21 heures que les Congolais se retrouvent dans les restaurants pour boire et manger, ce qui constitue un risque de contamination. Il a, cependant, oublié de rappeler que le Congolais, Kinois en particulier, mangent à tout moment de la journée à partir de 5 heures du matin. Il commence très tôt sa journée dans la gargote du coin de son lieu de service pour prendre son petit-déjeuner à la congolaise. Les travailleurs vont se succéder sur ce lieu réduit et utiliser les mêmes ustensiles mal nettoyés.

Aux heures de midi, la même vendeuse sert, au même endroit, le déjeuner toujours à la congolaise. Sous la chaleur que décuplent les mets chauds, les gens – bureaucrates, agents de roulage, commerçants ambulants, chauffeurs, receveurs, maçons et autres manœuvres des chantiers – se côtoient et mangent ensemble en plongeant même leurs mains dans les mêmes assiettes de nourriture, pendant que les conversations vont bon train. Plusieurs grappes de clients vont ainsi se succéder en ces lieux souvent mal famés et partager les repas dans les mêmes assiettes mal nettoyés. Rien à voir avec ces restos chics de la république de la Gombe dont parlait certainement Muyembe.

Bref, pendant 16 heures (de 5 heures à 21 heures), la population vit dans les conditions les plus propices à la transmission du coronavirus. Ces conditions atteignent des niveaux exponentiels au moment de la bousculade aux arrêts et dans les transports ou encore sur les trottoirs pour se prémunir du couvre-feu avant que certains de ces infortunés n’aillent peut-être débuter l’incubation de la maladie à son domicile pendant les 8 heures de séjour à domicile imposé par le couvre-feu. Pendant 16 heures, la population aura bravé allègrement la contamination en tout lieu et dans toutes sortes de circonstances : dans les bureaux, dans les usines, aux guichets des banques, dans les commerces, au deuil, dans les bistrots, dans les malewa, etc., avec un mince espoir d’en réchapper grâce aux gestes barrières pour le moins aléatoires.

Ainsi vivra et survivra le covid-19 à la faveur de la contamination vespérale grâce au couvre-feu. CQFD

Jonas Eugène Kota

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